Cinq raisons de prendre soin de son corps
Deux interventions marquantes ont ponctué la journée nationale dédiée aux personnes en charge du suivi de la santé des prêtres, organisée le 13 octobre 2022 à la Conférence des évêques de France. Découvrez ci-après la conférence donnée par le Père Jean-François Berjonneau et retrouvez celui du Père Christophe Disdier-Chave autour de la dignité du corps et des raisons de prendre soin au mieux de celui-ci en cliquant ici.
Cinq raisons de prendre soin de son corps
don de Dieu et serviteur de la relation
D’après la conférence du Père Jean-François Berjonneau
Conseil presbytéral du diocèse d’Évreux
Pour le père Jean-François Berjonneau, représentant les prêtres aînés au conseil presbytéral du diocèse d’Évreux, la question de la santé physique et psychique des prêtres est primordiale pour l’exercice de leur ministère et de la mission qui leur est confiée.
C’est ce qu’il a expliqué dans sa conférence « Prendre soin de son corps comme un don de Dieu et comme un serviteur de la relation ».
Première raison : théologique
« La foi chrétienne porte au cœur de sa démarche le mystère de l’Incarnation. Le Verbe s’est fait chair et le corps de Jésus est devenu le lieu de la manifestation de l’immense miséricorde de Dieu pour tous les hommes et toutes les femmes. Le visage de Jésus est devenu l’écran lumineux où Dieu a manifesté sa tendresse pour toutes les personnes qu’il a rencontré. Il a eu besoin de ses yeux pour poser son regard sur les personnes qu’il aimait, de sa bouche pour proclamer la Bonne Nouvelle, de ses oreilles pour entendre le cri des pauvres. Il a été pris aux entrailles par la souffrance des foules et son cœur s’est ouvert. Il a eu besoin de ses pieds pour parcourir toutes les distances qui le séparaient des exclus, des impurs, des lépreux et pour se faire proche d’eux, il a eu besoin de ses mains pour les imposer à ceux qui venaient guérir de leur infirmité. Il a eu besoin de tout son corps pour le donner dans le pain partagé en signe du don total et il a versé son sang pour la multitude. »
Ainsi, d’après le père Jean-François Berjonneau, nous devons entourer notre corps de « respect pour qu’à la suite du Christ nous puissions en faire aussi cet écran lumineux où s’inscrit la tendresse libératrice de Dieu pour toutes les personnes qu’il nous est donné de rencontrer. Notre foi, dans un Dieu fait chair, nous appelle à être attentif à notre corps et à la dimension physique de notre existence. »
Deuxième raison : spirituelle
Le père Jean-François Berjonneau reconnait avoir longtemps vécu en oubliant les exigences de l’équilibre humain du corps (alimentation, exercice physique et sommeil). « Je voulais me tenir disponible à toutes les sollicitations. Ce corps devait être un bon serviteur, jusqu’au jour où le cancer m’a obligé à m’arrêter… J’ai alors réalisé que mon corps pouvait constituer un maître spirituel. Comme le dit le père Xavier Thévenot : « Homme, je suis cette créature tout à la fois constituée de poussière et de l’haleine de vie de Yahvé. Chercher Dieu en moi c’est donc découvrir toujours plus ma propre affinité avec la poussière et accueillir ma condition de poussiéreux. » Le corps nous adresse des messages, parfois discrètement, parfois avec brutalité et douleur, à condition bien sûr que nous nous mettions à son écoute. Ce qui suppose une aptitude au silence intérieur et à la relecture de notre vie et de la manière dont notre corps réagit aux événements qui surgissent dans notre existence. »
Troisième raison : psychologique
« Notre psychisme est indissociable de notre corps physique. L’intention à maintenir une bonne estime de notre corps est capitale, et pour cela il y a des exigences à respecter. Il faut faire de notre corps un ami dont nous prenons soin.
Entretenir son corps n’est d’aucune manière synonyme de repli ou de narcissisme, car je crois que pour aimer son prochain, il faut une certaine estime de soi, corps et psychisme compris. Même si les rides se creusent, même si les forces déclinent, même si les mouvements se font plus lents, il y a un chemin d’amitié à trouver avec notre corps. Gardons une certaine tendresse pour nos corps vieillissants : c’est le secret pour demeurer souriant, ouvert et attentif aux autres jusqu’au bout de la vie. »
Quatrième raison : morale
Le père Jean-François Berjonneau assure que ce corps, avec ses limites et ses fragilités, nous a été donné pour que nous puissions le mettre au service des autres et faire grandir la vie autour de nous. « Ce corps est appelé à entrer dans une relation juste, fraternelle, respectueuse, solidaire et féconde avec notre prochain. Malheureusement, comme l’a révélé la récente actualité, ce corps peut devenir sujet d’emprise, de domination subtile qui défigure et blesse profondément la vie d’autrui… Ce respect que nous devons à notre corps, nous le devons a fortiori au corps de l’autre. Il faut, comme le disait le pape François, que les hommes apprennent à « ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre. »
Cinquième raison : pastorale
« Notre corps est appelé à être au service de tous ces frères et sœurs qui ont besoin de nos yeux pour que nous sachions refléter auprès d’eux le regard de bonté que le Christ porte sur eux, qui ont besoin de nos oreilles pour que nous nous tenions à l’écoute de leur souffrance, qui ont besoin de nos mains pour qu’elles saisissent les leurs quand elles se tendent, qui ont besoin de nos cœurs pour qu’ils soient témoins de la miséricorde du Seigneur. »
Pour relever les nombreux défis auxquels les prêtres doivent actuellement faire face, le père Jean-François Berjonneau estime que « la relation des prêtres au corps est essentielle. »
Mais que la responsabilité pastorale ne se déploie pas seulement dans un corps en pleine santé. « Le prêtre aîné, par sa fragilité, le déclin de ses forces physiques et de sa santé, son souffle précaire, peut aussi être signe de cet amour du Christ pour tous les hommes. »
Faire qu’en notre corps s’inscrive la tendresse libératrice de Dieu pour toutes les personnes que nous rencontrons.